Le bon sens paysan

La Ferme du Pré Charmant

Le bon sens paysan n’est pas une idée, ni même un concept, c’est d’abord un souvenir, une odeur, un apprentissage, une observation.  On ne parle pas de bon sens du boucher, de bon sens de l’informaticien ou du notaire mais bien du bon sens paysan.  S’il est écouté, il vous donne une direction, un chemin de vie où la bonté est ligne de mire.   Une graine plantée au moment opportun, une vache ramenée à l’étable pour le vêlage, une pâture laissée en jachère pour se reposer, un signe dans le ciel informant des premières gelées sont toutes des situations naturelles qui seront sources d’enseignements tout au long de la vie.  Elles apprendront aux personnes qui en bénéficient une sagesse qui grandira petit à petit. 

La nature ne trompe pas, elle enseigne !  Pas un enseignement fait par des urbains qui ne la côtoient guère, mais un apprentissage dont les maîtres sont des prés, des fleurs et des paysages.  La nature vous offre un savoir sans mot.  Elle indique quand le temps est au travail ou quand il est à l’arrêt.  Le vrai arrêt, pas celui sous contrôle.  Pas une pause décidée en temps et en heure par nos petites personnes.  Le paysan moissonne et récolte son blé durant de nombreuses heures.  Il se repose peu mais son enthousiasme le pousse à dépasser la fatigue pour récolter le fruit de son travail.  Il sait que vient le temps où le repos se présente à lui.  Il sait en profiter pleinement.  Il s’arrête le corps fatigué mais au combien comblé.  Une respiration, une grande respiration…rien d’autre.

Le bon sens paysan va lui enseigner comment se comporter.  Il a regardé, beaucoup regardé !  Ce ne sont pas les mots qui lui apprennent les gestes mais c’est l’exemple.  Une herbe à la bouche, l’ancien regarde et observe.  Il prend peu souvent la parole mais elle est concentrée et juste.  Il y a aussi les hommes du village en pleine force de l’âge avec leurs gestes justes et précis.  Porter de lourdes charges est fait avec dextérité pour épargner au maximum le corps.  Ils peuvent ainsi soulever des montagnes qui prennent la forme de sacs de blé de 100kg.  Les épouses de paysans prennent soin du fruit de la récolte. Chaque légume donnera tout ce qui il a à donner, pas questions de déjeter quoi que ce soit.  Le manque n’est pas présent, la nature est généreuse mais le bon sens paysan veut que l’on ne déjette rien.  Tout est respecté.  C’est du bon sens paysan !

Le bon sens paysan pousse celui qui en bénéficie à plus de solidarité.  Ce n’est pas une solidarité voulue ou réfléchie, c’est une solidarité obligée.  Elle lui est imposée.  Venir en aide au voisin se fait au moment de la fenaison, c’est ensemble qu’elle s’effectue.  Le foin doit être coupé au bon moment, ni trop tôt, ni trop tard !   C’est à plusieurs que les faux sont éguisées pour coucher le foin au sol.  L’étendre, le retourner et le récolter est un travail collectif.  Le moment venu, le voisin vient effectuer les mêmes taches chez notre paysan.  L’épouse veille à ce que tout le monde reçoive pitance et victuailles.  Le paysan ne sait pas qu’il est solidaire, il n’a pas besoin d’en parler, ses actions parlent pour lui.   C’est du bon sens paysan !

Le paysan est respectueux envers les animaux.  Pas parce que c’est une idée généreuse, pas parce qu’on est quelqu’un de bien si on veille au bien-être des animaux mais parce que c’est ainsi !  Il est attentif à ses animaux, il en a besoin et ceux-ci ont besoin de lui.  Il veille à ce qu’ils soient bien nourris, que les pâturages soient entretenus pour les accueillir.  Il regarde à ce que le petit veau qui deviendra taureau reproducteur de la ferme soit un bel animal.  Il en définira les critères.  Les animaux naîtront à la ferme.  Ils seront là pour le nourrir et nourrir tous ceux qui l’entoure de près ou de loin.  Ils sont là pour que continue la vie, pour que continue notre vie !  Le paysan connait ses animaux, il sait ce dont ils ont besoin mieux que n’importe quels citadins qui a un avis bien sans concession sur la sensibilité du bétail.  Le paysan n’en parle qu’au travers d’actes. En parler est difficile et n’est jamais à la hauteur du reflet de son travail.   La fourche est là pour emmener le fourrage aux bêtes pas pour que la langue s’y fourche.

 

Au fil du temps, Le bon sens paysan disparaît peu à peu.  Il faut être paysan pour en disposer. Il n’est pourtant pas en voie de disparition car nous sommes tous paysans, ou du moins, l’avons tous été. C’est dans nos gènes.  Cette profondeur, ce chemin de vie, cette sagesse paysanne est en nous.  Elle est quelque fois cachée, voire ignorée chez certaines personnes.  Celui qui veut s’y connecter peut partir à sa recherche, elle est à sa disposition.  Une nécessité pour aller à sa rencontre : reprendre contact avec la nature.  Peu d’entre nous deviendrons paysan.   Peu importe, une fleur, une odeur d’automne, la caresse d’un animal, une brise caressant le visage sont des portes d’entrée au bon sens paysan.  A chacun d’entre nous d’aller à sa rencontre… ou pas !

Delfosse Emmanuël

 

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