La récolte dans les années ’80

Petit retour en arrière

Comme dans de nombreux villages, il y avait naguère de nombreuses fermes.  Dans les années quatre-vingts, on pouvait compter cinq fermes dans le village.  Certaines  petites exploitations avaient déjà disparues.  Les fermiers élevaient le bétail essentiellement pour la viande.  La souche de vache la plus répandue  est la Blanc Bleu Belge.  C’est une vache très réputée pour sa qualité viandeuse.  Le village a  toujours eu d’excellents éleveurs.  La ferme Perin  a gagné ( et gagne toujours) de nombreux prix sur le plan régional et national.

Une solidarité agricole est une nécessité.  L’un apporte de l’aide à l’autre et vice versa.  Un moment très agréable est la saison des maïs.  Le jour venu, l’entrepreneur arrive avec sa grosse ensileuse. Elle hache le maïs  et le projette dans la remorque du tracteur qui roule à ses côtés. Elle me semble gigantesque.  Patiemment, j’attends au bord  du pré, espérant que l’entrepreneur s’arrête et m’ invite à monter dans son engin.  J’attends quelques fois très longtemps mais la vision de tout le charroi agricole m’ aide à patienter, c’est un spectacle permanent d’aller et venue de tracteurs.

Enfant, je garde un beau souvenir  de ces machines.  Mon grand-père m’accompagne aux champs de maïs.  La décileuse s’arrête à notre hauteur.  Le bruit de celle-ci est tel que j’ai l’impression que le sol se dérobe sous mes pieds.  L’entrepreneur salue mon grand-père et commente la qualité  du maïs de cette année.  Je n’ose demander pour monter à bord mais mon envie est visible par mon grand-père.  Il me propose de faire un tour avec l’accord du chauffeur.  Quelle joie pour moi d’escalader la machine.   Une, deux, trois, quatre marches pour y accéder.  C’est haut.  Une petite plate-forme permet d’entrer dans la cabine.  Je me tiens solidement aux embardes, je suis impressionné.  La vue sur le champ est magnifique.  Le chauffeur  me demande de bien me tenir car l’engin va vrombir.  Effectivement, la machine se met en route.  Le bruit est impressionnant malgré la cabine insonorisée.  Nous avançons vers les maïs.  C’est parti, elle le fauche  et l’avale.  Les longues tiges se couchent comme des dominos et disparaissent  aussitôt.  Une fois digéré, le maïs est déversé dans une remorque qui roule à nos côtés.  C’est une fontaine de maïs à n’en plus finir.  C’est magnifique.

Et dire que demain, il y a école.  Je voudrais rester là toute la nuit comme les hommes qui travaillent.  Il faut dire que le soir venu quand tous les projecteurs de l’ensileuse et des tracteurs sont allumés, c’est encore plus beau.  Mon grand-père est retourné à la ferme s’occuper des petits veaux à qui il donne du lait.  J’espère au plus profond de moi qu’il m’a oublié, je pourrais ainsi passer la nuit dans la machine.  Ma maman qui ne transige pas avec les obligations scolaires envoie mon grand-père me rechercher.  Quelle déchirure de devoir  quitter tout le monde pour retourner à la maison.

Qu’à cela ne tienne, partie remise pour samedi, nouvelle journée de travail chez un autre fermier.  Chaque année, l’entrepreneur vient avec son ensileuse, un tracteur et sa remorque.  Les trois fermiers du village, dont mon papa, prennent leur plus gros tracteur et leur remorque. La récolte se fait dans les trois fermes.  Cela prend plus d’une journée par exploitation pour l’ensemble de la récolte.

Ce samedi, je pars avec mon papa à la ferme Dujardin.  Après la besogne -terme consacré pour les soins divers aux animaux- nous partons avec notre tracteur pour la récolte du jour.    Le plaisir est d’aller sur les différents tracteurs qui participent à cette belle journée.  Mon but est de monter dans le tracteur de l’entrepreneur, c’est le plus gros tracteur.  Son fils le conduit, c’est un Fendt de 100 Chevaux  Il est énorme et magnifique.  De plus, il a un super siège pour les enfants.  A l’époque, c’est assez rare.  Il faut se coincer dans un coin du tracteur sans gêner le conducteur.  C’est assez inconfortable mais tant pis, l’envie d’être sur le tracteur en fait oublier l’inconfort.  Ça secoue pas mal dans les tracteurs mais dans le Fendt, on y est bien.

Midi arrive. Comme à chaque fois, la femme du fermier prépare le repas pour tout le monde.  Dans chaque ferme, c’est la coutume. On s’arrête à midi et on dîne.  C’est toujours délicieux. La fermière du jour prépare ce qu’elle fait de mieux.  On est à la ferme, c’est bon, c’est même délicieux!  Les tablées sont énormes, et les fermiers mangent, ils ont bon appétit.    Quel bonheur d’être avec tous  ces hommes et de participer à ces festins!  Que ce soit préparer par Renée, tante Lolo ou ma maman, tout est délicieux:  De la viande de la ferme, des frites maison, de la salade du jardin,  de la crème vanille avec le lait de la ferme, que des plaisirs gustatifs.

Le repas fini, le travail reprend.  Ce sont mes vacances, à moi et rien qu’à moi, elles le seront pendant de nombreuses années.

Emmanuêl Delfosse

 

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