Souvenirs, souvenirs

Petites histoires campagnardes

Dans les années quatre-vingts, la cuisine du gîte « Au Soleil Couchant » est une étable où vivent les petits veaux de la ferme.  Deux fois par jour, on leur donne du lait.  Je rentre de l’école et je fais mes devoirs après avoir pris le goûter. 

On tape sur la fenêtre ; c’est mon grand-père Félicien qui m’appelle.  Je sais  ce qu’il attend de moi.  J’enfile mes bottes soigneusement mises au coin du feu par ma maman et je le rejoins pour faire la besogne.  Parrain Félicien m’attend dans la laiterie, des seaux d’eau sont préparés les uns à côté des autres.  Mon grand-père y verse un gobelet de poudre de lait.  Avec mon fouet, je mélange l’eau qui se transforme en lait ; l’odeur me monte au nez !

Pendant la préparation je profite d’un instant d’inattention de mon aïeul pour tremper mon doigt préalablement humidifié dans la poudre.  Je lèche mon doigt telle une sucette au fruit. 

-Tu as encore mangé de la poudre le lait, me dit parrain Félicien !

Les moustaches blanches autour de mes lèvres mon trahit !  Il me semblait avoir été discret et pourtant….

Nous embarquons les seaux sur la brouette à deux roues pour prendre la direction de l’étable.

Les veaux sont comme fous, ils sentent l’odeur du lait qui fume dans leur contenant.  Un seau dans une main, une petite baguette de noisetier dans l’autre et parrain est prêt à gérer cette meute de sauvage.  A ses côtés, je suis prêt.  J’attends son signal pour lui donner les seaux lait.

-Doucement, doucement,…

De la douceur et de la patience, il en faut à mon grand-père pour que tout ce petit monde dispose de la ration quotidienne.  Un après l’autre, chaque veau reçoit le lait ; une petite tape sur l’oreille est quelque fois nécessaire pour empêcher les plus rapides d’aller chaparder dans la bassine du voisin.

Huit à dix petits  aspirateurs de lait qui boivent en même temps, ça fait un fameux bruit.

-Retire le seau de celui-là, il a tout bu.

C’est ainsi que je me laisse diriger et ainsi pouvoir assurer le service conduit de main de maître.  C’est qu’il en faut de l’organisation pour bien gérer ce petit troupeau.

Actuellement, l’étable des petits veaux est devenue la cuisine du gîte.  Les mets ne sont plus tout à fait pareils mais sont tout autant appréciés par ceux qui en bénéficient…

Delfosse Emmanuël

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